poilus au front 14-18 / 1915 (2)
MAI - NOVEMBRE 1915
Henri, Gaston et René écrivaient à leur maman, Thérèse, ou leur soeur Claire, mais également à leurs tantes ou oncles. Certaines lettres étaient complétées par la maman ou la soeur et étaient ainsi transmises à d'autres membres de la famille, tous en Algérie. Ces textes figurent en rouge. La fiancée d'Henri, sa cousine germaine, se nomme Claire Brogat.
Périgueux le 12 mai 1915
Je fais aujourd’hui ma correspondance, tu es la 6è personne à qui j’écris car j’ai un assez long moment à moi. Je crois que je ne vais pas tarder à quitter Périgueux pour aller dans un camp d’instruction « Sieurac » qui joue le même rôle qu’Orléansville pour le 1er Zouaves. Enfin tout ceci n’a rien d’officiel et il pourrait très bien se faire que je reste une quinzaine de jours environ.
J’ai déjeuné dimanche chez Mr Ferrari et j’ai passé une bonne après midi avec eux. J’ai retrouvé ici un colis d’oranges toutes moisies que Monsieur Cabanel m’avait envoyé ; tache de savoir son adresse et de me l’envoyer que je lui écrive au plus tôt.
J’espère que maintenant tu iras voir madame Lacretelle qui a été si gentille pour moi ainsi que Mmes Chesnian et Marie.
Je n’écris pas directement à cousine Maria mais je sais que tu lui montres mes lettres et qu’elle a par suite toujours de mes nouvelles.
Temps ici toujours pluvieux et particulièrement le dimanche où l’on est obligé de s’enfermer dans les bistrots.
Gaston m’a écrit il y a quelques jours et il a de la veine de ne pas être encore parti ; il ne reste pas ici un seul homme de la classe 14, et très peu de la classe 15.
Il ne serait pas trop tôt que la chance nous favorise.
Je t’embrasse ma chère maman bien affectueusement
Henri
Maman m’a envoyé aujourd’hui une lettre de chacun de vous. Je t’envoie celle d’Henri et lui enverrai la tienne et celle de Gaston. Je suis heureuse de savoir que tu écris assez régulièrement à notre chère maman. Ecris-lui le plus souvent possible, René, et dans ta prochaine lettre donne-lui beaucoup de détails du départ de Gaston. Tu dois penser qu’elle se fait beaucoup de mauvais sang depuis qu’elle sait qu’il s’en va. Espérons qu’il ne lui arrivera rien, et qu’il reviendra bientôt avec tous nos chers soldats. Je t’envoie la dernière photo de Riquet avec moi ; Tu me diras ce que tu en penses. Petit Riquet t’embrasse bien fort et moi je t’envoie d’affectueux baisers
Ta sœur Clairette
Le 20 mai 1915 Ma chère maman, Alors, voilà, Gaston est parti ! Ne te désespère pas ma chère maman, tu vois bien que je m’en suis sorti et pendant 7 mois ; ce qu’il faut, c’est avoir la persuasion intense que l’on revient et cela arrivera. Je suis appelé moi aussi, et d’un jour à l’autre dès que mes dents seront soignées, je t’assure que je repartirai sans trop d’appréhension. J’ai bien envoyé à René un billet de 5f je ne comprends pas pourquoi il ne l’a pas reçu, pour le moment je ne puis lui en envoyer d’autre ; quelques plus ou moins vague vaguemestre a du s’en rendre possesseur. C’est réellement malheureux. Tu m’enverras dès que tu l’auras l’adresse de Gaston, je lui écrirai immédiatement. Vas voir souvent tante et grand-mère, ne crains pas de les déranger, ils sont, tu le sais mieux que moi, très gentils pour nous. As-tu toujours des écritures ? J’espère que oui, et j’en suis content car quand tu écriras tu te feras un peu moins d’idée noire, et pourtant tu ne devrais pas être trop triste, si tu avais comme l’assurance que nous reviendrons tous les trois. De bons baisers chez tante et cousine, les plus affectueux pour toi de ton fils Henri 10h jeudi 27 Ma chère enfant, j’ai ta lettre – suis très occupée, je sors et laisse un mot à M Duret pour qu’il voir l’Insp.- Je ne puis voir le Proviseur aujourd’hui.- Je vais bien et commence les préparatifs pour déménager dimanche- J’ai reçu une caisse de x et n’ai pas encore écrit. Ecris pour moi et remercie Albert, je lui écrirai ces jours-ci et t’écrirai longuement. J’avais cette lettre dans le panier avec du beurre tout a été tâché. Mille baisers Thérèse J'ai reçu lundi aussi ta lettre Baisers pour mon tout petit chéri Vendredi 9 juillet 1915 Maintenant mes soins son terminés, et, à moins de complication me voilà tranquille pour quelques temps tout au moins de ce côté-là. Nous avons fait mercredi et jeudi un déplacement de 24 km, nous avons cantonné dans une petite ville (Sartrouville) où nous avons été très bien reçus ; la marche ne fut pas trop fatigante malgré la chaleur. Au cantonnement les gens furent très chics et généreux pour les hommes. Aujourd’hui vendredi, je n’ai encore rien reçu de Mr Duret ; tu peux être sûre que, prenant le service dimanche prochain, justement je vais être invité par eux ce jour-là ; ce sera bien ma guigne. Je voulais faire ce soir tout un tas de lettres mais sur deux ampoules électriques que j’avais dans ma chambre, aucune ne va plus, elles meurent d’être brulées par je ne sais quel excès de courant, je profite un peu du jour qui reste, et en m’approchant de la lumière, pour terminer ma lettre. Je vais passer ces jours-ci mon brevet de chef de section pour essayer d’être nommé sous-lieutenant ; je vais voir si je peux causer à Mr Duret s’il peut intervenir un tout petit peu en ma faveur ; je crois que je l’ai bien mérité. Embrasse pour moi cousine Maria, et dis lui que si je ne lui écrit pas, c’est parce que je sais que tu lui montres toutes mes lettres. De bons baisers à tante, grand-mère, tonton et Gaby (Gabrielle Fouque) et reçois les baisers affectueux de ton fils qui t’aime Henri As-tu bonnes nouvelles de Gaston. Comme demain matin nous n’avons rien à faire, je lui écrirai. Henri Lucien · Sandro = Alexandre Brogat – beau frère d’Henri, frère de Claire Brogat, sa future épouse – . ·
Le 12 aout 1915
Ma chère maman,
Nous voilà pour quelques jours au repos en France. Je te fais parvenir une lettre pour un sergent de ma compagnie parti en permission. Toujours pas de lettres de la maison. Heureusement que j’ai su par Julot Long que tu étais à OF avec Claire, car j’aurais continué à t’écrire à Oran.
Embrasse tout le monde, beaucoup de caresses à Riquet et reçois les meilleurs de ton fils.
Henri
Le 24 octobre 1915
Ma chère maman,
Cette carte sera remise à la poste d’Oran par mon camarade Potel. Envoie donc dès réception, si tu ne l’as déjà fait, l’appareil photographique avec 2 rouleaux à Oran, chez tante, où il les fera prendre. Je me porte bien. Régiment toujours au repos. Je ferai parvenir les rouleaux, une fois tirés, dans un petit colis et à chaque réception renvoies moi un autre rouleau neuf. Quand il y aura des photos pouvant être placées dans les journaux (toutefois quand cela ne pourra pas nuire à notre défense) que monsieur X ou monsieur auguste les envoie, mais sans indiquer leur provenance. En fin de compte, qu’il fasse comme il l’entendra. Mais je sais qu’il y a des photos qui rapportent facilement 50f et c’est bon à prendre.
Je vous embrasse tous affectueusement
Henri
Dimanche le 14 novembre 1915
Voilà une vie tranquille à peu près terminée ; à partir de demain je commence à suivre les cours de chef de section à l’arrière, cours qui dureront approximativement un mois ; c’est moi qui ai demandé à suivre ces cours, comme la prochaine place vacante de sergent major dans une compagnie était pour moi, je préfère suivre ces cours qui me faciliteront adjudant ou sous lieutenant. Comme je te l’ai écrit j’ai reçu l’appareil par Potel. Merci aussi pour les dragées.
Je t’embrasse affectueusement Henri